Interview : le psychologue scolaire

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Bonjour A.D, pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis psychologue scolaire en « Zone d’Education prioritaire » depuis 8 ans, après avoir exercé pendant 15 ans en tant que professeur des écoles.

 

Quelle formation avez-vous ?

J’ai une maitrise en psychologie du développement et de l’enfant, ainsi qu’un DEPS (Diplôme D’Etat de Psychologue Scolaire)

 

Comment qualifieriez-vous le rôle du psychologue scolaire ?

Et bien tout d’abord, nous avons un rôle de dépistage des troubles psychologiques et/ou cognitifs de l’enfant (troubles des apprentissages, troubles du comportement, problème psycho-socio-éducatif…)
Nous avons également un rôle d’accompagnement et de suivi des enfants en situation de handicap et d’inclusion scolaire
Mais aussi un rôle d’orientation des familles vers les structures de soin.
Le cursus scolaire classique n’est pas toujours adapté à certains enfants qui ont besoin de dispositifs ou d’établissements adaptés ou spécialisés.
Et enfin, nous nous devons de conseiller, accompagner et former les enseignants, en fonction des besoins spécifiques d’un enfant ou d’une classe.

 

Vous êtes donc amenés, dans le cadre du dépistage, à effectuer des bilans, quels sont les outils à votre disposition ?

Nous avons plusieurs types de tests. Des tests étalonnés, standardisés, mais aussi des tests plus projectifs.
Faire un bilan ce n’est pas simplement obtenir des chiffres : c’est, à l’aide de tests standardisés et étalonnés, rentrer en communication avec l’enfant et comprendre son mode de fonctionnement.
Dans mon quotidien, j’utilise régulièrement ces tests : WPPSI, WISC IV, Dessin du bonhomme, Dessin de la famille, Dessin du chemin de l’école à la maison, BHK (échelle d’évaluation de l’écriture), Figure de Rey, Matrices de Raven, EDA (Evaluation des fonctions cognitives et des apprentissages, fonctions verbales et non verbales), La Dame de Fay (test projectif), K-ABC, ODEDYS… Ce sont les principaux mais il peut y en avoir d’autres, en fonction du questionnement que soulève le cas particulier d’un élève.

 

Avez-vous régulièrement des formations pour remettre à jour vos connaissances ?

Rien n’est obligatoire, c’est uniquement sur le principe du volontariat, en fonction des centres d’intérêt de chacun. Après avoir eu l’autorisation « d’absence » de notre inspecteur, nous devons les financer nous-même.

 

Combien de bilans faites-vous passer en moyenne en une année scolaire ?

Environ une cinquantaine.

 

Donnez-vous un compte rendu de vos bilans aux familles ?

J’en rédige un pour tous les enfants que je vois en bilan, et le donne à la famille à la demande. Je propose également systématiquement aux familles un rendez-vous pour une restitution orale.
En « Zone d’Education Prioritaire » comme celle dans laquelle j’exerce, beaucoup de familles ne savent pas lire où ne viennent pas aux RDV de « restitution ». Quoi que pour ce dernier point, je ne suis pas certaine que ce soit propre aux ZEP.

 

A la demande de qui voyez-vous les enfants ?

La demande émane majoritairement des enseignants. Elle peut aussi venir des parents, du médecin scolaire, des professionnels en libéral, de l’enseignante référente de la MDPH, des maitre E ou maitre G du Rased. Quoi qu’il en soit, les parents doivent être au courant et en accord avec cette démarche et signer une autorisation. On ne peut pas faire de bilan sans leur accord.

 

Pouvez-vous prendre l’initiative vous-même ?

C’est assez rare mais cela peut arriver. En général, les enfants que je vois questionnent déjà l’équipe enseignante et/ou la famille et/ou le personnel soignant extérieur lorsqu’il y a déjà des suivis en cours.

 

Etes-vous amenés à poser des diagnostics ?

Non, ce n’est pas à moi de le faire, ce n’est pas mon rôle. D’ailleurs, je n’en ai pas le droit légalement.
J’amène, grâce à mon bilan, des résultats psychométriques interprétés (car ce ne sont pas des chiffres bruts, il faut tenir compte de l’état émotionnel de l’enfant, son environnement…), mais je ne pose aucun diagnostic.
Lorsqu’un diagnostic médical doit être posé, je réoriente vers un neuropédiatre ou centre référent. Je peux également demander des bilans d’autres spécialistes (orthophoniste, psychomotricien, ergothérapeute, orthoptiste…) qui complèteront mon analyse et seront nécessaires au médecin pour qu’il puisse, lui, poser un diagnostic médical.

 

Disposez-vous de moyens particuliers du fait de travailler en « Zone d’Education Prioritaire » ?

Le réseau est plus complet, le taux d’encadrement est doublé. Mon secteur représente l’équivalent de 850 élèves, contre 1700 pour mes collègues qui ne sont pas en ZEP. Etre en ZEP permet, par la même occasion, plus de proximité avec le corps enseignant.

 

Vous arrive-t-il de faire des signalements à l’ASE ?

Oui, parfois seule ou en lien avec le médecin scolaire ou l’assistante sociale, en fonction de qui a recueilli la parole de l’enfant ou constaté des faits inquiétants. Lorsque plusieurs personnes sont inquiétées par une situation, c’est l’assistante sociale qui fait le signalement.

 

Vous avez donc également un rôle d’orientation, je suppose que vous travaillez avec un vaste réseau. Quels sont les différents intervenants avec lesquels vous travaillez ?

Les maître E et maitre G, Les assistantes sociales scolaires, les CMPP, CMP, libéraux (orthophonistes, orthoptistes, psychomotriciens, ergothérapeutes, psychologues, neuropédiatres…), les centres de références des troubles des apprentissages, les médecins scolaires, les associations de parents (AFEP, ANPEIP,…), etc…

 

Quand envoyez-vous un enfant chez un psychomotricien ?

Lorsqu’il y a un problème de repérage dans l’espace, une maladresse, de motricité générale, d’équilibre, un schéma corporel mal intégré, une difficulté autour du graphisme…

 

En parlant de graphisme, avez-vous déjà envoyé une famille consulter un graphothérapeute ?

Non, jamais, car à vrai dire, je n’ai jamais constaté de trouble de l’écriture isolé. Les difficultés de graphisme ne sont souvent que le symptôme d’un trouble plus global. Une prise en charge en psychomotricité me paraît alors plus indiquée. D’autant qu’il y a certains aspects que je ne peux pas évaluer dans mes bilans : latéralité, tonus…

 

Quelles difficultés rencontrez-vous pour adresser un enfant en psychomotricité ?

La première démarche est souvent le CMPP. Cependant il y a souvent de très longues listes d’attentes. Pour beaucoup d’enfants, on SAIT qu’ils auraient besoin de psychomotricité, les apprentissages sont freinés, mais pour des raisons financières, le suivi est inenvisageable. Dans de rares cas, nous arrivons à obtenir une participation financière de la mairie ou du conseil général avec l’aide des assistantes sociales scolaires mais cela est plus de l’ordre de l’exception.
La méconnaissance de votre métier joue également en défaveur d’un suivi en psychomotricité. Les parents ont parfois (souvent ?) du mal à comprendre que les apprentissages passent aussi par le corps. Ils ne font pas le lien entre psychomotricité et scolarité.

 

Pour conclure, quelles sont les qualités requises pour être psychologues scolaires ?

D’un point de vue légal, il faut avoir enseigné pendant 3 ans.
D’un point de vue plus humain, je dirais qu’il faut avoir des facilités de contact et avoir une grande ouverture d’esprit, s’intéresser aux différents acteur du champ thérapeutique, la neuropsychologie, la psychomotricité, l’orthophonie, l’ergothérapie, l’orthoptie… afin d’adresser au mieux les familles.
Mais il faut également une bonne connaissance du système éducatif et du fonctionnement d’une classe.

 

Auriez-vous un dernier mot à rajouter ?

C’est un métier passionnant. On a parfois le sentiment d’impuissance à faire évoluer les situations, cela peut être très déstabilisant d’être spectateur alors que parfois rien ne bouge. D’où l’importance de ne pas être seul, de travailler en équipe pluridisciplinaire.

 

Merci A.D pour cette interview et votre implication auprès des enfants et leur famille.

Merci à vous.

 

 

Propos recueillis par Journal d’une psychomot’

 

© Journal d’une psychomot’

 

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